Domaine des Bufflonnes

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La mozzarella alsacienne

Difficile d’envisager que la mozzarella soit produite dans nos contrées alsaciennes. C’est pourtant le cas… au Domaine des Bufflonnes à Uhrwiller. L’occasion de remettre les papilles à l’heure italienne.

Par Cécile Becker

L'émission Très Très Bon de François-Régis Gaudry a classé la mozzarella des Bufflonnes deuxième meilleure mozzarella française. © Alexis Delon / Preview

Réservoir des recettes les plus gourmandes et ensoleillées du monde, l’Italie exerce son pouvoir de séduction par ses recettes simplissimes et ses produits gorgés de chaleur, caressés par la brise marine et chahutés par les terres volcaniques. Une cuisine de caractère. Au-delà de l’assiette, cette fascination vient probablement de l’authenticité qui ne cesse de charrier notre imaginaire : la mamma, intransigeante, préparant patiemment ses pâtes, son pesto ou son ragù, le pizzaiolo ruisselant devant son four à bois, la patience que requiert la préparation d’une pâte ou d’un parmesan maturé à la perfection… En fait, l’Italie, c’est le temps long du sud, le plaisir absolu de la cuisine et du partage – pizza, mon amour – et toute une culture du produit bien fagoté. Sur le podium des mets de la botte et de son caillou qui, en toute circonstance, nous font saliver, la mozzarella tient une place de choix. Hiver comme été, fondue et fondante sortie du four sur un plat de lasagnes, s’étirant en filets du cœur d’un arancini croquant jusqu’à notre bouche, 

ferme et fraîche tout juste arrosée d’huile d’olive, de sel et de poivre – l’indécrottable insalata caprese semble enfin avoir laissé sa place à ce qu’il faut de sobriété. Sensuelle, la princesse.

MOZZARELLA… ET MOZZARELLA
Il faut d’abord distinguer les mozzarella. Il y la mozzarella «caoutchouc», boostée et travestie notamment par Lactalis (qui, depuis plusieurs années, rachète consciencieusement les entreprises italiennes productrices de fromages), la mozzarella au lait de vache (éventuellement fior di latte si elle est artisanale), la mozzarella di latte di bufala fabriquée avec du lait de bufflonnes d’ici et d’ailleurs, et enfin la mozzarella di bufala Campana, à base de lait de bufflonnes de Campanie et protégée par une AOP (la fameuse DOP, denominazione di origine protetta). Tout un poème.

L’histoire, comme souvent avec le fromage, débute avec une erreur (et ce qu’il faut de légendes invérifiables). Au XIIe siècle, des moines de la région de Campanie, probablement trop occupés à prier, ont un peu laissé traîner du lait des bufflonnes qu’ils élevaient, ça a caillé et paf !, ça a fait de la mozzarella. Ils en auraient fait des mozzi (morceaux), du verbe mozzare signifiant « couper net » et évoquant la découpe de la boule, à la main, entre les doigts et le pouce. Les pèlerins passant dans le coin s’en seraient apparemment tellement régalés que, peu à peu, la mozzarella est devenue la spécialité de certaines provinces de quatre régions du sud : la Molise, la Campanie, les Pouilles et le Lazio. Si les bufflonnes ne sont pas élevées dans cette zone géographique, c’est simple, le Consortium pour la Sauvegarde de la mozzarella di bufala Campana ne valide pas la DOP.

MOZZARELLA, QU’EST CE QUE C’EST ?

Pour reconnaître une bonne mozzarella, d’abord, on l’observe. Ce doit être une boule, une tresse, des petits nœuds ou des perles, e basta. Un petit bourrelet de matière termine la boule ? C’est le signe qu’elle a été façonnée à la main (la plupart du temps, l’industrie rivalisant de truchements pour nous rouler dans la farine). Sa couleur doit être blanche comme de la porcelaine, elle doit être lisse, légèrement briller et, à la découpe, libérer un peu de lait. L’enveloppe, elle, doit faire preuve de résistance sous le couteau. Notez que plus la mozzarella est fraîche, plus elle est ferme.

MOZZARELLA DI BUFALA DI UHRWILLER

Michaël Christmann, seul éleveur de bufflonnes en Alsace.© Christoph De Barry

Au Domaine des Bufflonnes d’Uhrwiller, l’attention est tout aussi poussée qu’en Campanie, notamment sur l’élevage des bufflonnes. Michaël Christmann, l’agriculteur, nous l’explique : « C’est un animal rustique, presque jamais malade, qui a un caractère très entier. La moindre contrariété et la bufflonne bloque sa lactation. Mais c’est aussi un animal très attachant qui recherche le câlin et les contacts. » Plus elles seront bichonnées, plus leur lait, déjà précieux (10 litres par jour contre 28 litres pour une vache laitière), sera délicieux. Et lorsqu’on sent un bon goût de lait dans la mozzarella, c’est que la bufflonne a été bien nourrie et traitée. Les bufflonnes de Michaël ont été achetées auprès d’un couple d’éleveurs de Forêt-Noire, particulièrement regardant sur l’engagement de leur confrère. Une mozzarella di bufala faite sur le domaine par une fromagère chevronnée, faite dans les règles de l’art : une texture parfaite et le goût du terroir. D’ailleurs, l’émission culinaire Très Très Bon de François-Régis Gaudry l’a classée seconde sur le podium des meilleures mozzarellas françaises. Les Italiens diraient perfetto…mais comme ils sont aussi chauvins que nous…

« Beaucoup d’Alsaciens sont surpris de trouver une mozzarella produite dans notre région. Mais c’est justement ce qui fait notre réussite car nos produits ne subissent pas d’altération du goût lors du voyage, à l’inverse des mozzas qui viennent d’Italie », assure Sophie Christmann. Les siennes sont proposées entières ou sous forme de perles et sont vendues autour de 5 euros le pot.